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La question du pouvoir de révocation d'un directeur général dans une société d'État suscite des débats complexes, illustrés par le cas de Congo Airways, une société anonyme avec conseil d'administration.

Tout part de la réforme des entreprises publiques intervenue le 7 juillet 2008 avec l'adoption de quatre lois. Ces lois ont été le fruit des travaux menés par le comité de pilotage pour la réforme des entreprises publiques. Parmi ces textes, on trouve la loi numéro 08/007 du 7 juillet 2008, portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques, ainsi que trois autres lois qui ont redéfini le cadre juridique et organisationnel des entreprises publiques.

La loi numéro 08/007 prévoit que les anciennes entreprises publiques de l'État, autrefois régies par la loi numéro 78/002 du 6 janvier 1978, sont transformées en sociétés commerciales, établissements publics ou services publics. Les entreprises publiques autrefois considérées comme des services publics industriels et commerciaux ont ainsi été converties en sociétés commerciales. Par exemple, des entreprises comme la Régie des Eaux ou la Sonas, qui étaient des entreprises publiques de l'État, sont devenues des sociétés commerciales en vertu de cette réforme.

L'article 4 de la loi 08/007 stipule que ces anciennes entreprises publiques transformées en sociétés commerciales sont désormais soumises au régime de droit privé, prenant la forme de sociétés par actions à responsabilité limitée (SARL). En 2008, les formes de sociétés commerciales étaient régies par le décret du roi souverain du 27 février 1887, qui reconnaissait cinq types de sociétés : la société en nom collectif, la société en commandite simple, la société privée à responsabilité limitée, la société par actions à responsabilité limitée et la société coopérative.

Cependant, avec l'entrée en vigueur du droit de l'OHADA en République Démocratique du Congo le 12 septembre 2012, et plus particulièrement l'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales du 17 avril 1997, la SARL a été transformée en société anonyme (SA). Lors de la réforme du droit des sociétés intervenue le 31 janvier 2014, une cinquième forme de société a été introduite : la société par actions simplifiée (SAS).

Congo Airways, créée en 2014, est une société commerciale constituée sous la forme d'une société anonyme avec conseil d'administration. Il est à noter que l'État congolais détient 40 % du capital social de Congo Airways, mais n'a pas la majorité absolue. Par conséquent, Congo Airways n'est pas une entreprise publique, mais plutôt une entreprise du portefeuille de l'État.

Il est crucial de distinguer entre l'État en tant que personne morale à part entière et les autres actionnaires, comme la SAS et le FPI, qui sont également des personnes morales de droit public. Dans la constitution du capital social d'une entreprise publique, c'est l'État en tant que personne morale qui est pris en compte, et non les entreprises du portefeuille de l'État.

En tant qu'actionnaire majoritaire, l'État congolais bénéficie de droits dans l'assemblée générale des actionnaires, où il est représenté par le ministre ayant le portefeuille dans ses attributions. Cependant, ce même ministre ne peut pas être l'autorité de tutelle d'une société d'État. L'organisation fonctionnelle d'une société anonyme comprend trois organes : le conseil d'administration, la direction générale, et l'assemblée générale des actionnaires, ainsi qu'un organe de contrôle, le commissaire aux comptes.

Grâce Muwawa Luwungi

Docteur
Grâce Muwawa Luwungi

Avocat au Barreau de Kinshasa/Matete depuis le 11 avril 2015, diplômé d’études supérieures (DES-DEA) en droit économique et social de l’Université de Kinshasa, UNIKIN en sigle, licencié en droit (Bac +5) de l’Université Protestante au Congo. Assistant à la Faculté de Droit de l’Université de Kikwit, UNIKIK en sigle, chargé des enseignements de droit commercial général, droit des sociétés commerciales et droit des contrats commerciaux et spéciaux, Expert international en droit du travail de la World Justice Project « Rule of Law » depuis le 12 janvier 2016, formateur et conférencier international en droit des affaires issu de l’OHADA. Il est également Secrétaire Exécutif et Rédacteur en Chef de la Revue Doc&Juris, Consultant juridique à Actualité.cd et Responsable du Desk Justice depuis le 12 juillet 2019. Docteur en droit du travail  à l’Université de Kinshasa.

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La nomination du directeur général relève de l'assemblée générale des actionnaires, tandis que le conseil d'administration est responsable de la désignation du président et de la direction de la société. Cette nomination est ensuite entérinée par une ordonnance présidentielle. Le principe du parallélisme des formes et des procédures veut que la révocation d'un directeur général soit également encadrée par les dispositions de l'acte uniforme.

Ainsi, bien que le président de la République ait le pouvoir de nommer et de révoquer les directeurs généraux des sociétés d'État, ce pouvoir est limité par les règles du droit des sociétés, notamment celles de l'acte uniforme de l'OHADA. Le conseil d'administration reste l'organe central dans la gestion d'une société anonyme, et toute intervention du président de la République doit respecter les dispositions légales en vigueur.

En résumé, la controverse autour du pouvoir de révocation d'un directeur général dans une société d'État comme Congo Airways met en lumière les tensions entre le droit interne congolais et les règles de l'OHADA. Cette situation souligne l'importance de respecter les mécanismes juridiques en place pour assurer une gouvernance transparente et équitable dans les sociétés commerciales, même lorsque l'État est un actionnaire majeur.

 

Texte issu de la transcription de la vidéo - Docteur Grâce Muwawa

 

Glossaire

1. Acte Uniforme OHADA : Texte juridique adopté par l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA) qui régit les sociétés commerciales et autres entités en Afrique. L'Acte Uniforme relatif au droit des sociétés commerciales est une loi commune aux pays membres de l'OHADA.

2. Assemblée générale des actionnaires : Organe suprême de décision dans une société commerciale, où se réunissent les actionnaires pour prendre des décisions sur la gestion et l'administration de la société.

3. Commissaire aux comptes : Personne ou cabinet chargé de vérifier la sincérité des comptes d'une entreprise et de certifier leur conformité avec la réglementation en vigueur.

4. Conseil d'administration : Organe de gestion d'une société anonyme qui décide de la politique générale de la société, nomme les dirigeants, et contrôle leur gestion. Il est composé d'administrateurs, souvent des actionnaires ou leurs représentants.

5. Entreprise du portefeuille de l'État : Entreprise dans laquelle l'État détient des parts ou des actions, mais qui fonctionne selon les règles du droit privé, comme une société commerciale classique.

6. Entreprise publique : Entreprise créée par l'État pour fournir des services publics ou d'intérêt général, souvent régie par un cadre juridique distinct de celui des entreprises privées.

7. Parallélisme des formes et des procédures : Principe juridique selon lequel une décision prise par une autorité doit être révoquée ou modifiée par la même autorité ou selon la même procédure.

8. Portefeuille de l'État : Ensemble des participations que l'État détient dans différentes entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, en vue de gérer et de valoriser ces actifs.

9. Réforme des entreprises publiques (2008) : Réforme législative en République Démocratique du Congo qui a transformé les anciennes entreprises publiques en sociétés commerciales, soumises aux règles du droit privé.

10. Société Anonyme (SA) : Forme de société commerciale dans laquelle le capital est divisé en actions et où les actionnaires ne sont responsables qu'à hauteur de leurs apports.

11. Société par Actions Simplifiée (SAS) : Forme de société commerciale offrant une grande flexibilité dans son organisation et son fonctionnement, souvent utilisée par des entrepreneurs et des investisseurs.

12. Tutelle : Supervision exercée par une autorité publique (comme un ministère) sur une autre entité, généralement pour s'assurer que ses activités sont conformes aux politiques publiques et aux lois.

13. OHADA (Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires) : Organisation intergouvernementale dont le but est de promouvoir l'intégration juridique et économique en Afrique à travers l'harmonisation du droit des affaires.