Ce que la Norme veut dire. Contre-célébration de la "journée internationale de la Norme". Par le Shemsu Maât Grégoire Biyogo.

La date du 14 octobre a été consacrée par les Nations Unies "Journée Mondiale de la Norme". Le monde entier a donc célébré aujourd'hui la "Norme" et en rêve encore Mais qu’en est-il ? Sujet de politique et d'économie internationales, autant que de réflexion philosophique, je voudrais me pencher un tant soit peu sur sa définition préjudicielle, dont l'oubli pourrait créer bien des équivoques.

biyogo et la normeCar, tandis que l'on parle de Norme, si l'on ne devait pas définir ce que veut dire cette institution, ce Rêve, ce pprojet, ce que, en son commencement ce mot si chargé de sens et d’histoire, signifie, on pourrait du tout au tout se tromper sur ce dont on parle. Sur ce que la Norme veut dire. Aussi est-il nécessaire de commencer par s'entendre sur ce dont on parle, par le re-définir, tel que cela a éclot à Kémèt, dans le berceau égypto-nubien, où le concept de Maât est apparu en premier dans toute son ampleur et son exigence. De la sorte, nous allons déconstruire les acceptions galvaudées qui recouvrent aujourd’hui ce concept et les contradictions flagrantes qui l’entourent pour entrevoir la possibilité de décliner une tout autre résonance à ce terme pour le moins tronqué.

I. Qu'est-ce que la Norme ?

La norme se dit en égyptien faraonique, Maât, qui est un terme d'origine cosmologique, lequel comporte généralement trois acceptions :

1) L'équilibre universel des êtres et des choses (ce qui est en Haut et ce qui est en Bas, le masculin et le féminin, le jour et la nuit, le Nord et le Sud, le Centre et la marge, l'abondance et la rareté, la plénitude et la vacuité, le Rien et le Tout, la perfection et la défection, le visible et l'invisible, le vide et le Plein, le Même et l'Autre, la partie et le Tout). La répartition des richesses, des soins, de l'éducation, des loisirs, de la recherche en vue de l'équilibre général de la planète intègre le principe de la Maât, c'est l'harmonie universelle des grands blocs, or il n'en est rien aujourd'hui. La Maât dans l'organisation de l'Economie-monde, est ignorée. Le Sud est écarté du circuit mondial de décision, de la productivité de la compétitivité. Les femmes demeurent défavorisées, les enfants opprimés, les vieillards abandonnés. La Maât tient que l'Univers entier est traversé par une énergie vitale cosmique (Ka) qui vitalise tous les êtres, leur confère force, unité et esprit de créativité. Le Ka vise l'accord et l'unité réfléchis des ensembles, de la Totalité, cet équilibre est encore absent de la Planète Terre, où l'on a encore des exemples flagrants d'indifférence des uns face aux autres, et de grave méprises à l'égard de la Nature (forêts, océans, airs, animaux...).

2) Puis la Maât commande une exigence d'exactitude toute mathématique (géométrique) en chacun de nos projets, lesquels gagneraient à être largement et nécessairement précédés par un plan, un dessin logique, un programme rationnel, quantifiable, chiffré, et géo-stratégique. Nous avons besoin de mesurer nos Actes, de les calculer le plus minutieusement avant de les entreprendre, de les engager, nous devons les penser davantage encore que le peu de pensée dont nous faisons preuve aujourd'hui avant de les acter. Nulle part l'oubli de cette Loi DE LA MESURE DES ACTES historiques n'a pu donner lieu à un Développement historique plausible. Le fait est que, la Norme s'oppose à toute forme d'improvisation, d'amateurisme, et exige de prendre en compte les variables, les données aléatoires, le hasard, les inconnues. Mais en aucun cas, on ne peut engager un choix, un contrat, un programme de Gouvernance, une élection démocratique, un Accord de coopération fiables, sans rigoureusement définir les normes qui vont y présider. Au commencement des Actes réfléchis, historiques, il y a la Norme, condition sine qua non de la réussite. Or, nous rêvons d'un Développement « faraonique » sans mettre au sommet de nos politiques de développement, d'éducation et d'échange, la mathématisation et la mesure technologique de nos choix; c'est-à-dire la capacité de faire des prédictions fiables, des calculs opérationnels, des choix performants et réalisables, comme le faisaient les Faraou. La Maât est exigence de vérité.

Or, nous rêvons de démocratie en renonçant au pacte sacrificiel par lequel un peuple arrache de ses mains aux puissances qui le dominent le droit de choisir à sa place, de gouverner et de corrompre son destin politique et économique. Ceux qui célèbrent la « Norme » le font en ne renonçant jamais au réflexe de servitude qu’il y a à 'interdire aux "Autres" le droit de siéger au Conseil de Sécurité des Nations Unies, ils fêtent la Norme en refusant de mettre un terme au principe impérial du "contrôle" des richesses des territoires toujours échus à la vérité au "partage des Nations euro-américaines, au Congrès de Berlin en 1885. L’on prétend célébrer la « Norme » lorsque, dans le même temps, l’on continue de refuser le jeu de la compétitivité, le jeu des échanges loyaux, le jeu de l’universalisation de la Démocratie, le jeu de la souveraineté économique, politique et militaire à des peuples toujours relégués aux marges de l’Histoire, du Capital et du Droit, et, à la vérité, déconsidérés comme peuple, parce que hypostasiés. Et si ceux-là qu’on invite à fêter la « Norme » se moquaient de la Norme ? De fait, cet étrange festin a pour Maîtres des défenseurs d’un monde vétuste, avec un ordre mondial d’arrière-garde, un Âge désuet, incapable de s’adapter à cette même mondialisation qu’on prétend appeler en s’interdisant au fond d’y entrer. Un monde vieux de 3 siècles, encore esclave des avantages marchands indus, et des positions d’autorité sans loi esclave de la Grande Exclusion des peuples d’Afrique et du monde « en développement » si rêveurs, si assurés d’un éventuel changement de l’ordre embarbarisé des échanges-monde. Ce qu’on y allègue ne correspond jamais à ce qu’on y fait. Et ce qu’on enseigne dans les amphithéâtres est de plus en plus mensonger, cynique, sans la splendeur du raisonnement logique ! Car ce de logique que manque ce Monde vieillot ayant peur du Monde autre, et que toute altérité devienne Monde. Il annonce la Démocratie ce Monde de partenaires autoritaires mais il en est aussi l’irréductible fossoyeur, défendant becs et ongles des régimes déchus, jamais-élus par les peuples, mais toujours imposés par la force, contre le Droit, la justice et les libertés. Des régimes qui les servent et paupérisent les peuples, confisquent leurs droits à disposer d’eux-mêmes, ces peuples qu’ils disent eux-mêmes en d’autres circonstances légitiment et garants de la souveraineté deviennent ailleurs dépouillés de leurs droits les plus élémentaires.

Et ces intellectuels qui ont bu à la Mamelle de l’Esprit et du penser euro-américain ? Que peuvent-ils entendre à ce sophisme qui veut que l’on enseigne ce que l’on ne vit pas ? N’est-ce pas Socrate qui fait par ailleurs et à juste titre le prestige de la philosophie d’Occident qui raille les sophistes pour n’être pas capables de vivre ce qu’ils disent et pensent ? Pour être en dessous de ce qu’ils prêchent ? Pour ne point daigner gager le courage de la pensée à l’égard de la vérité ? Et jurer avec les véritables Lumières de la Raison ?

3-Enfin, on admet que la Maât est d’abord l’affaire de la justice. Elle est attachée à l’exigence d’une Nature, d’un monde, d’une existence et d’un jugement équitables. C'est elle qui, dans la Douat, lors de la psycho-stasie (pesée des âmes) au Tribunal de Wsjrê, exige de chacun la droiture suprême, let commande de ne pencher pour personne dans le jugement, et que la vie des âmes des Défunts soient digne de justice sous peine d’une sanction juste. La Maât est le principe universel de la justice, laquelle est inscrite dans le Cosmos, avant que de l’être dans la société, dans le cœur des Hommes, puis des Défunts et éternellement dans l’esprit des 42 juges. Mais ce monde est-il juste ? Y aspire-t-il au point de risquer la justice se faire ? L’on condamne des élus, et l’on place au pouvoir des vaincus, l’on allume des guerres pour maintenir ses propres intérêts, l’on massacre des millions de morts (Congo, Rwanda), l’on fait valoir en sa faveur le principe des l’interchengeabilité des décisions de kjustice dès lors que lll’on veut garantir ses intérêts, mais dans le même temps, l’on garde inchangées les « normes » foncièrement injustes et déséquilibrées des Accords de coopération franco-africains, américano-africains, sino-africains, nipo-africains, qui asservissent l’Afrique, en la dépouillant du principe de propriété géo-stratégique en matière de découverte des matéières premières et de recherches nucléaire. Et l’on parle de justice internationale, de célébration de la Norme.

II-DECONSTRUIRE LES RUSES DE LA NORME

Et si la véritable Norme se moquait de la « Norme » ? Et la célébration de la pseudo-norme de ceux qui jusqu’ici ont cru tromper ce monde-autre en l’excluant du partage des marchés mondiaux tout en le condamnant de déficit ? En l’excluant de l’exercice de la démocratie tout en le condamnant antidémocrate ? En l’écartant de l’économie-monde tout en l’invitant sur les chantiers de la Mondialisation ? Ici par l’arbitraire et par la force ?

Ceux qui, comme l’auteur de ce texte intentionnellement bref, ont pour exigence de se rappeler le sens premier et profond des mots et des choses, ne peuvent qu’inverser l’équation de la Célébration du festin de la Norme, et poser là où le capital mondial célèbre le triomphe de la Norme sur-capitalisée cette autre équation : Coopération politique et économique internationale = Année zéro de la Norme. Car celle-ci, du moins celle quia été pensée par les philosophes de Ta Méry, comporte des topiques, des axes d’évaluation qui invalident totalement la Norme « dominante », qui ne sait pas faire « Norme », mais est l’anti-Norme parfaite, l’anti-norme idéelle, marchande, laquelle empêche le Monde de jurer avec son expansion Planétaire, son devenir-monde- normatif. Tout rebâtir dans la MAISON DE SERVITUDE est la solution, tout déconstruire est le chemin, l’exigence de la pensée y achemine, autant que celle de la mesure, de la justice et de la vérité.

 

Par le Shemsu Maât Grégoire Biyogo.