Kamanda Wa Kamanda Muzembe a été élu ce vendredi président de l'Union nationale de la presse du Congo (UNPC)

L'élection de Kamanda Wa Kamanda Muzembe à la tête de l'Union nationale de la presse du Congo (UNPC), ce vendredi, marque un tournant crucial pour une profession en quête de réformes profondes. Dans un pays où le journalisme est à la fois une vocation et un métier périlleux, Kamanda se présente comme le leader d’un renouveau attendu depuis longtemps, face à une profession minée par la précarité économique, les pressions politiques, et l'absence de protection pour les journalistes.

Kamanda n’est pas un inconnu dans le paysage médiatique congolais. Ayant fait ses armes à Africa numéro 1 et à Radio France Internationale (RFI), il apporte avec lui une expertise internationale et une vision ambitieuse pour redorer le blason du journalisme en République Démocratique du Congo. Son discours de prise de fonction est un manifeste pour une profession plus professionnelle, plus sécurisée et plus respectée, à l'image des grandes démocraties.

Un programme de réformes vitales

La promesse de Kamanda d'instaurer des réformes structurelles pour transformer les entreprises de presse congolaises en institutions viables et capables de rémunérer leurs employés avec dignité est un point central de son mandat. Il sait mieux que quiconque que sans des conditions de travail adéquates, les journalistes ne peuvent pas exercer leur métier de manière indépendante et éthique. Actuellement, les journalistes en RDC gagnent entre 50 et 200 USD par mois, un revenu largement insuffisant pour subvenir à leurs besoins. De plus, la grande majorité d’entre eux n’ont pas accès à une couverture sociale ou à une retraite, laissant toute une génération de professionnels dans une précarité permanente.

Kamanda s'est engagé à améliorer la viabilité des entreprises de presse pour surmonter cette précarité, mais les défis restent de taille. La RDC compte plus de 450 médias, dont beaucoup survivent avec des ressources limitées et dépendent de financements irréguliers, notamment en dehors des grandes villes comme Kinshasa. Créer des structures médiatiques viables dans un contexte aussi difficile ne sera pas chose aisée, mais c'est une condition sine qua non pour garantir l’indépendance de la presse.

Élever le niveau des compétences

Dans son discours, Kamanda a aussi placé l'accent sur la formation continue des journalistes, un enjeu essentiel dans un pays où seulement 30% des professionnels ont reçu une formation formelle en journalisme. Le reste se forme sur le tas, souvent sans avoir accès aux ressources nécessaires pour maintenir des standards éthiques et professionnels. Kamanda propose d'aligner les pratiques locales sur des standards internationaux, une promesse qui, si elle est tenue, pourrait considérablement améliorer la qualité de l’information en RDC.

La sécurité des journalistes, un enjeu prioritaire

Le nouveau président de l'UNPC a également promis de se battre pour la sécurité des journalistes, régulièrement menacés par les autorités ou des groupes armés. La RDC se classe 125e sur 180 dans le classement de la liberté de la presse de Reporters Sans Frontières en 2023. Les arrestations arbitraires, les intimidations et les violences sont monnaie courante, avec des journalistes souvent pris pour cible en raison de leur travail. Depuis 2016, au moins 10 journalistes ont été tués en raison de leur profession en RDC, et des dizaines d'autres ont subi des agressions physiques ou été emprisonnés. Kamanda propose de mettre en place une assistance judiciaire gratuite pour tous les journalistes en difficulté, une initiative salutaire dans un pays où l’accès à la justice est difficile, surtout pour ceux qui exercent une profession aussi exposée.

Il a également plaidé pour l'adoption d'une loi spécifique qui conférerait aux journalistes un statut particulier, assurant leur protection et la liberté d'exercer leur métier. Cela pourrait être un pas décisif pour garantir la liberté de la presse en RDC, où les menaces contre les médias sont souvent institutionnalisées.

Unifier une profession divisée

Un autre défi majeur que Kamanda devra relever est celui des divisions internes au sein de l'UNPC. Les querelles internes et les luttes de pouvoir ont affaibli l'institution, compromettant son rôle de défenseur des journalistes. Dans son discours, Kamanda a appelé à l'unité et à la cohésion au sein de la profession, soulignant l'importance de tourner la page des divisions. Cette unité sera cruciale pour restaurer l’autorité de l'UNPC, qui doit jouer un rôle central dans la régulation du secteur et la protection des journalistes.

Un chemin semé d’embûches

Toutefois, malgré les promesses et la vision claire de Kamanda, les défis structurels auxquels fait face la presse congolaise demeurent immenses. Le secteur souffre d'une dépendance économique vis-à-vis des acteurs politiques et économiques, limitant la liberté d'expression et la capacité des journalistes à exercer leur métier en toute indépendance. De plus, la presse numérique reste marginalisée, avec seulement 17% de la population ayant accès à Internet, rendant les médias traditionnels comme la radio et la télévision dominants mais vulnérables aux pressions.

La liberté de la presse en RDC est loin d’être assurée. Les journalistes sont souvent confrontés à des lois floues qui peuvent être interprétées à leur détriment, et les intimidations viennent non seulement des forces de sécurité, mais aussi des groupes armés dans les régions instables.

Conclusion

L'élection de Kamanda Wa Kamanda Muzembe à la tête de l'UNPC ouvre une nouvelle ère pour la presse congolaise, mais elle est également remplie d'incertitudes. Sa vision de réformer le secteur, d’améliorer les conditions de travail, de protéger les journalistes et de restaurer la crédibilité de la profession est ambitieuse, mais elle nécessitera des ressources considérables et un soutien sans faille des différents acteurs de la société civile et politique.

Kamanda a promis une UNPC plus forte et plus respectée, mais seule une mise en œuvre concrète de ses réformes permettra à la presse congolaise de jouer pleinement son rôle de quatrième pouvoir dans un environnement démocratique encore fragile. Ses premiers pas à la tête de l'UNPC seront cruciaux pour déterminer si ce vent de changement pourra véritablement transformer la profession de journaliste en République Démocratique du Congo.

Glossaire

  1. UNPC (Union nationale de la presse du Congo) : Organisation professionnelle regroupant les journalistes en République Démocratique du Congo, visant à défendre leurs droits et à promouvoir la liberté de la presse.
  2. Précarité économique : Situation dans laquelle les journalistes en RDC se trouvent en raison de salaires très bas, d'absence de sécurité sociale, et de manque de stabilité dans leurs emplois.
  3. Liberté de la presse : Principe selon lequel les journalistes doivent pouvoir exercer leur métier sans censure ni pression extérieure, notamment de la part des autorités politiques ou économiques.
  4. RSF (Reporters Sans Frontières) : Organisation internationale de défense de la liberté de la presse, qui publie chaque année un classement mondial de la liberté de la presse par pays.
  5. Pressions politiques : Les interférences ou menaces venant des autorités publiques ou des acteurs politiques, cherchant à influencer ou à contrôler les médias.
  6. Formation continue : Processus par lequel les journalistes suivent des formations tout au long de leur carrière pour améliorer leurs compétences et s'adapter aux évolutions de la profession.
  7. Sécurité des journalistes : Ensemble des mesures visant à protéger les journalistes contre les violences, les arrestations arbitraires, et les intimidations dans l’exercice de leurs fonctions.
  8. Statut particulier : Proposition de Kamanda Wa Kamanda visant à faire reconnaître légalement les journalistes en RDC comme une profession protégée, avec des droits spécifiques liés à leur travail.
  9. Carte de presse : Document officiel qui atteste du statut de journaliste professionnel, servant à protéger le détenteur dans l’exercice de son métier et à garantir le respect des règles de la profession.
  10. Standards internationaux : Normes professionnelles reconnues globalement dans le domaine du journalisme, concernant l'éthique, la qualité de l'information, et les droits des journalistes.