Par Patrick Gruban, cropped and downsampled by Pine — originally posted to Flickr as UN General Assembly, CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4806869

L’élection de la République démocratique du Congo (RDC) comme membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies pour la période 2026-2027 consacre un retour historique sur la scène internationale et marque un tournant diplomatique majeur pour le pays. Avec 183 voix sur 187 votants lors du scrutin du 3 juin 2025 à New York, la RDC a triomphé dans une course où l’Union africaine avait apporté son soutien plein et entier, affirmant ainsi la solidarité continentale autour de Kinshasa.

Cette élection intervient après plus de trois décennies d’absence du Conseil, la dernière participation remontant à 1991-1992, sous l’appellation de Zaïre. Au-delà de l’aspect symbolique, elle illustre une montée en puissance diplomatique portée par le Président Félix Tshisekedi, la ministre des Affaires étrangères Thérèse Kayikwamba Wagner et le représentant permanent Zénon Mukongo Ngay, tous trois architectes d’une campagne diplomatique intensive et résolue.

Le Conseil de sécurité, rappelons-le, est l’organe principal des Nations Unies en matière de maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il compte quinze membres : cinq permanents dotés du droit de veto (Chine, États-Unis, France, Royaume-Uni et Russie) et dix non permanents élus pour un mandat de deux ans, renouvelés par moitié chaque année. Ces membres non permanents, même sans droit de veto, exercent un rôle crucial dans l’adoption des résolutions (qui requièrent neuf voix sur quinze et l’absence de veto), la présidence tournante du Conseil (chacun assurant un mois à tour de rôle), et la présidence de nombreux comités subsidiaires (sanctions, groupes de travail).

La RDC, par sa géopolitique complexe, notamment dans la région des Grands Lacs et à l’Est du pays, a désormais l’opportunité d’inscrire ses priorités stratégiques à l’agenda international. Parmi ces priorités : la réforme des opérations de maintien de la paix (MONUSCO en particulier), les sanctions ciblées contre les soutiens extérieurs aux groupes armés, la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles et la prévention des conflits transfrontaliers.

Le Président Tshisekedi n’a d’ailleurs pas manqué de rappeler, lors de la clôture de la campagne de candidature le 31 mai 2025, que la RDC entend « porter la voix de l’Afrique, ses aspirations et ses solutions au cœur des débats mondiaux », plaidant ainsi pour un multilatéralisme réformé et inclusif, loin des logiques unilatérales ou des néo-impérialismes rampants. Cette ambition s’inscrit dans une dynamique historique, puisque la RDC (Zaïre à l’époque) avait déjà siégé au Conseil de sécurité en 1982-1983 et en 1991-1992, à une époque où la Guerre froide polarisait encore l’Afrique centrale.

Les réactions nationales ont été immédiates : la ministre Thérèse Kayikwamba Wagner a salué une « victoire diplomatique majeure », tandis que les médias congolais ont souligné que ce siège au Conseil confirme la crédibilité retrouvée du pays et marque une étape dans la reconstruction de son influence internationale. La Présidence congolaise a insisté sur le fait que ce mandat n’est pas seulement un honneur, mais un engagement : celui de contribuer de manière constructive aux décisions du Conseil et de défendre une approche africaine des crises sécuritaires, notamment à travers le dialogue et la prévention.

Sur la scène internationale, le Président de l’Assemblée générale, Dennis Francis, a félicité la RDC et les autres pays élus (Bahreïn, Colombie, Lettonie, Libéria) en soulignant qu’il attend « leurs contributions à la paix mondiale » — une formule polie mais lourde de sens, à l’heure où le multilatéralisme est bousculé par les rivalités géopolitiques et les crises multiples (Ukraine, Gaza, Soudan).

Cette élection constitue donc à la fois une opportunité et une responsabilité. L’opportunité de faire entendre la voix d’un pays qui porte en lui les espoirs, mais aussi les fragilités de l’Afrique contemporaine. La responsabilité d’être à la hauteur des défis qui secouent non seulement son territoire mais aussi les équilibres régionaux et internationaux.

Dans un contexte où le Conseil de sécurité est souvent critiqué pour son immobilisme et ses blocages liés au droit de veto, la RDC pourrait — en coopération avec d’autres États africains et les membres permanents — contribuer à une dynamique plus inclusive, plus attentive aux réalités du terrain et aux aspirations des peuples.

Car au-delà des résolutions et des votes, c’est bien la crédibilité du système multilatéral lui-même qui est en jeu. Et c’est dans cette perspective que la RDC devra transformer ce siège au Conseil de sécurité en levier diplomatique au service non seulement de ses intérêts nationaux, mais aussi de la paix et de la sécurité internationales.

Encadré pédagogique : Concrètement, qu’est-ce que cela signifie pour la RDC ?

👉 Participer aux grandes décisions internationales
En tant que membre non permanent du Conseil de sécurité, la RDC siégera aux côtés des 14 autres États membres (dont les 5 permanents) pour débattre et voter sur les questions de paix et de sécurité internationales. Cela comprend l’adoption de résolutions pour autoriser ou renouveler des opérations de maintien de la paix (comme la MONUSCO), la mise en place de sanctions ciblées contre des États ou des individus, et le suivi des crises internationales (Ukraine, Moyen-Orient, Grands Lacs, etc.).

👉 Présider les débats et influencer l’agenda
Chaque membre assure la présidence du Conseil de sécurité pendant un mois, ce qui lui permet de fixer les priorités et de modérer les débats. La RDC pourra donc orienter les discussions sur des sujets qui lui tiennent à cœur, comme la situation dans l’Est du Congo, la prévention des conflits et la réforme des opérations de maintien de la paix.

👉 Défendre ses priorités nationales et régionales
Ce siège permettra au gouvernement congolais de faire entendre la voix de la RDC sur des sujets stratégiques : stabilité à l’Est, lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles, coopération régionale et soutien international aux processus de paix.

👉 Assumer une responsabilité internationale
La RDC ne sera pas seulement bénéficiaire, mais aussi actrice des décisions. Elle devra défendre une approche constructive et crédible au sein du Conseil, et peser sur des débats mondiaux qui concernent la paix et la sécurité de tous les États membres de l’ONU.

👉 Un outil diplomatique et un test de crédibilité
Siéger au Conseil est une opportunité unique pour la RDC de renforcer son poids diplomatique et de montrer qu’elle est capable d’assumer ses responsabilités internationales au service de la paix.

Glossaire

  • Conseil de sécurité de l’ONU : Organe principal de l’ONU pour le maintien de la paix et de la sécurité internationales. Il comprend 15 membres (5 permanents avec droit de veto et 10 non permanents élus pour deux ans).
  • Membre non permanent : Pays élu pour siéger deux ans au Conseil de sécurité, avec les mêmes droits de vote que les permanents mais sans droit de veto.
  • Droit de veto : Pouvoir détenu par les 5 membres permanents de bloquer toute résolution importante.
  • Assemblée générale de l’ONU : Organe délibératif de l’ONU, chargé entre autres d’élire les membres non permanents du Conseil de sécurité.
  • Thérèse Kayikwamba Wagner : Ministre des Affaires étrangères de la RDC et cheffe de la diplomatie congolaise.
  • Zénon Mukongo Ngay : Représentant permanent de la RDC auprès de l’ONU à New York.
  • Félix Tshisekedi : Président de la République démocratique du Congo.
  • Multilatéralisme : Système de relations internationales reposant sur la coopération entre États dans le cadre d’institutions internationales.
  • MONUSCO : Mission des Nations Unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo.
  • Présidence tournante du Conseil : Chaque mois, un État membre du Conseil de sécurité assure la présidence, fixant l’agenda et dirigeant les débats.
  • Groupe africain : Regroupe les pays africains à l’ONU et gère notamment la répartition des sièges non permanents au Conseil de sécurité.
  • Guerre froide : Conflit idéologique et géopolitique qui a opposé les États-Unis et l’URSS de 1947 à 1991, structurant les relations internationales pendant cette période.
  • Opérations de maintien de la paix : Missions de l’ONU déployées dans des zones de conflit pour stabiliser et accompagner les processus de paix.
  • Grands Lacs africains : Région comprenant notamment la RDC, le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda, marquée par des conflits et une géopolitique complexe.
  • Union africaine : Organisation continentale regroupant 55 États africains, jouant un rôle clé dans la diplomatie régionale et les appuis aux candidatures.

Sources :

 

Patrice Piardon
CEO, Ikodi IT & Design Solutions

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